Le soufisme (Tasawwuf en arabe) est l’école de l’illumination intérieure. L’on devient soufi par la pratique. Il est impossible de jouer avec les apparences dans ce milieu. Il s’agit d’une voie d’élites, car l’illumination intérieure ne peut être exprimée par des mots.
Le soufisme est la recherche de la Vérité-Réalité absolue (al-Haqq). On l’assimile à un voyage, une ascension mystique. Au bout du parcours, tout a disparu: il ne reste plus que Dieu. D’où la nécessité d’avoir un guide, un maître (Shaykh).
La connaissance de la Vérité-Réalité n’est possible qu’en utilisant l’œil intérieur, c’est-à-dire, la théophanie et l’illumination.
Le soufi est donc quelqu’un qui chemine vers Dieu. On s’engage sur cette Voie sans contrainte, mais plutôt le cœur rempli de joie. N’importe qui ne peut pas s’y aventurer, car il ne s’agit pas d’un voyage d’agrément. Il faut au préalable être mû par la soif de Dieu (talab). D’où l’initiation.
L’homme ordinaire est aveugle à la connaissance de la Vérité-Réalité, à cause, justement, de son imperfection. Cette connaissance n’est accessible qu’à l’Homme Parfait. C’est pourquoi la première étape de la Voie (tariqat) se résume à la perfection de l’être. Ceci ne peut se faire qu’à travers des épreuves dont Dieu seul est l’auteur.
Une fois la première étape franchie, le soufi est dépouillé de ses habits du monde matériel, et il entre dans l’océan de l’annihilation (fana). A ce stade déjà, il ne vit plus pour lui-même mais pour Dieu. A partir d'ici, il n’y a plus ni maître, ni disciple, ni Voie, ni voyageur.
Toutefois, la Voie est encore longue. Dans le langage des soufis, on dira que le chercheur boit le vin de l’Amour selon sa capacité, c’est-à-dire jusqu’à ce qu’il soit ivre. C’est ainsi qu’après avoir nagé pendant quelques années dans le haqiqat, il pourra atteindre le baqa ou subsistance en Dieu, et continuer encore plus loin, pourquoi pas. Car Allah est infini.
Toutes ces notions ne peuvent pas devenir un acquis pour celui qui lit ces lignes, car, encore une fois, le soufisme, c’est la pratique. Il n’y a pas de langue, de culture ou de connaissance livresque à avoir pour progresser dans cette école qui est aussi connue sous le nom de la chevalerie. Dieu parle une seule langue: la langue du cœur.
La persévérance, la sincérité, la dévotion, le courage et l’amour sont autant d’armes qu’il faut savoir manier pour s’engager et demeurer sur cette voie. Allah est tout puissant: il n’a besoin de personne, ce sont les hommes qui ont besoin de Lui. Tant que vous croirez que vous priez pour Lui faire plaisir, ou encore, tant que vous croirez que vous connaissez suffisamment la religion pour ne pas avoir besoin d’un guide, vous ne comprendrez jamais rien à cette Voie. Et si vous y entrez par curiosité, vous en sortirez sans même vous en rendre compte.
Vu de l’extérieur, le monde soufi paraît bizarre. Certains pensent que les soufis adorent leurs Shaykhs à cause du respect qu’ils ont pour eux, ou qu’ils ont une liberté ou des pratiques qui seraient à la limite de l’Islam. Une meilleure connaissance de la religion empêcherait de tenir de tels raisonnements. Pour percer ce mystère, il faut savoir que personne ne peut parler du soufisme avec exactitude s’il n’est pas soufi lui-même.
Les écoles soufies ont toujours évolué dans la discrétion, hors de toute influence matérialiste ou politique. C’est pourquoi le soufi d’aujourd’hui vit en réalité comme le soufi à l’époque du Prophète Mouhammad, bien que les temps aient changé. Le secret qui entoure les enseignements du soufisme s’explique tout simplement par le fait qu’il s’agit d’un univers qui n’intéresse que très peu de personnes: la plupart des gens étant plus préoccupés par le monde matériel que par Dieu. Quel intérêt y a-t-il à mettre un trésor à la portée de quelqu’un qui n’en connaît pas la valeur?
Le soufisme est le cœur de l’Islam, car tout, ici, est orienté vers Dieu et Dieu seul. Où que le soufi se tourne, il ne voit qu'Allah, il n’entend qu'Allah, il ne touche qu'Allah. Pourquoi serait-il malheureux, stressé ou inquiet? De quoi aurait-il peur? Tout est Allah. « La illaha ila’llah » (Il n'y a de divinité autre que Dieu) commence par « la » (comme négation de soi) et finit par « Allah » (Lui, le seul qui existe réellement, tout le reste n'étant qu'illusion).
- La Maison de l'Amour
- La Mélodie de l'Unité
- Le Roi de l'Amour
- Le Monde du "toi et moi"
- La Légende de l'Amour
- La Quibla de la Supplication
- Quiconque connaît Dieu
Tes amoureux, après avoir parcouru le chemin de la fidélité,
sont maintenant assis à ton seuil le coeur pur.
Dans la cour royale de Ta grâce, les mendiants sont assis au seuil
le coeur content, les besoins satisfaits.
Tes nécessiteux se savent supérieurs aux rois du monde,
puisque dans Ton royaume ils s'asseyent sans provision ni possession.
Les adorateurs de Ton vin forment un cercle autour de la cuve,
prennent le gobelet et s'asseyent sans demander "pourquoi" ni "comment".
Même pour un clou, Tes affligés n'achèteraient leur âme;
comment donc pourraient-ils encore espérer être soulagés?
Dans la maison de Dieu, les hommes de Dieu ne peuvent pas s'asseoir
négligemment comme de faux prétendants.
La solitude du rendan répand la lumière
là où tous sont assis, tournés vers Dieu dans le souvenir de Dieu.
Extraits de Divani Nurbakhsh, Ed. Khaniqahi Nimatullahi
Nous libérant de l'Amour de tout besoin
pour les deux mondes.
Dieu merci que notre coeur agité
y soit passé
Et ait ouvert la voie
qui mène à la taverne.
O pieux ascètes, ne dites pas que la religion
des buveurs de vin est hérésie.
L'échanson prie pour ceux
qui ont bu du vin et en sont morts.
C'est un étranger qui sous prétexte
d'être un ami
Tend le piège de l'hypocrisie
dans le quartier de la pureté.
Quiconque s'est fait prendre par l'illusion
a coupé ses liens avec nous et est parti,
Et être juste avec lui-même conduit
au royaume de l'illusion.
L'amoureux est quelqu'un qui est dans le besoin,
inattentif
A tout ce qui est
"autre que l'Ami".
Sur la route du Bien-Aimé, Nurbakhsh
fut excusé
Pour avoir voyagé longtemps
et parlé à temps.
Extraits de Divani Nurbakhsh, Ed. Khaniqahi Nimatullahi
A Ton commandement "Soit!", avec Tes clins d'oeils suggestifs
et Tes avances,
Toute cette grâce et cette vertu
sont apparues.
Moins d'un instant sépare
la pré-éternité de la post-éternité.
Sache que tous les commencements et toutes les approches
ne sont qu'un point.
A tes yeux seulement est la durée du temps
entre les décrets Divins.
Dans tes pensées seulement les êtres créés
traversent les étapes.
Comme un enfant qui construit un château de sable,
tu construis la Création avec tes observations.
Ne t'imagine pas que ce jouet est réel;
n'attache pas ton coeur aux éloges et aux flatteries des gens.
Aux yeux du maître de l'Amour,
l'intellect n'est qu'un enfant
Qui par manque de discernement
est devenu prisonnier des illusions.
Brûle les pages et efface
les agendas.
Tout ce qui a été écrit
est loin d'atteindre l'Amour.
O Nurbakhsh, quoi que les intellectuels écrivent
ce n'est que l'histoire des idoles et du temple d'idoles de Sumanat.
Mahmud le Roi de l'Amour, avec son épée de jalousie,
doit couper la tête de Lat et jeter par terre Manat.
Extraits de Divani Nurbakhsh, Ed. Khaniqahi Nimatullahi
Une vie j'ai passé à parler de l'Amour-Bonté
Provocant autant de remous qu'une fourmi en colère.
Après avoir épluché le livre du temps et de l'espace,
J'ai été abandonné dans la détresse avec de soi-disant amis, fatigué des étrangers.
J'ai déraciné la prétention à diriger, à être un guide spirituel;
J'ai brisé le miroir de commandement du maître et de soumission du disciple.
Parle à tous ces adorateurs d'idoles de mon état actuel, dis-leur:
Etre l'idole de votre imagination n'a plus d'emprise sur moi non plus.
J'ai effacé les traces des événements de l'ardoise de mon âme
Et tranché les liens de "autre que Dieu" de mon coeur.
Je n'ai pas seulement brisé les chaînes du maître et de la guidance,
J'ai entièrement bondi hors du piège de l'existence elle-même.
Depuis que j'ai quitté le monde du "toi" et "moi",
Partout, Il a été mon "Donateur de lumière" (Nurbakhsh).
Extraits de Divani Nurbakhsh, Ed. Khaniqahi Nimatullahi
Les pieux ascètes ont entendu la légende de l'Amour
et ils l'ont appelée fable.
Mais après que je l'ai racontée à la montagne j'ai vu
que son coeur ne connaissait plus le repos.
Un coeur sans Amour
ne connaît pas la sincérité ni la pureté.
Quelqu'un qui n'a pas d'Aimé
ne sait rien de la bonté ni de la fidélité.
Quel crédit peux-tu accorder aux propos
des gens du monde?
Quelqu'un qui nage dans les désirs
ne tient pas ses promesses.
La sagesse apporte de bonnes nouvelles au royaume
du monde,
Inconscient du fait qu'un coeur désillusionné
ne place aucun espoir dans ce monde.
Dis à cet égoïste, cet ignorant d'ascète:
le chemin de l'orgueil et de la vanité
N'a aucun honneur, avec qui donc
es-tu en train de flirter?
Sur la route du destin, Nurbakhsh
est tombé dans un piège
D'où aucun espoir
de s'échapper n'existe.
Extraits de Divani Nurbakhsh, Ed. Khaniqahi Nimatullahi
Pour que la beauté de la Vérité soit dissimulée aux autres,
toutes sortes de formes illusoires furent créées.
Certains êtres furent créés pour la joie et le plaisir;
D'autres furent créés pour brûler et fondre.
Alors que les ascètes furent créés pour la piété et la prière,
les gnostiques furent conçus pour l'impuissance et l'humilité.
Pour que "moi" et "nous" sur la voie de l'Amour disparaissent,
une route fut créée remplie de hauts et de bas.
Pour que le voyageur change de destination pour aller à la ka'aba
les mélodies du Shur et du Hejaz furent créées.
J'ai vu qu'envers ses ennemis
Nurbakhsh était bon,
Même si pour caresser les amis
il fut créé.
Extraits de Divani Nurbakhsh, Ed. Khaniqahi Nimatullahi
Culte de soi n'est pas culte de Dieu;
cette vérité est notre démonstration.
Ne sois pas afin que tu puisses vraiment être;
sache que l'Etre Absolu c'est Dieu.
La goutte ne s'était pas vue elle-même et ainsi devint océan;
la première s'appelle fana, le second baqa.
Aucune différence ni dispute n'existe entre les rendan;
quiconque devient un rend sera pur.
Le donateur de lumière à tous est un, Un,
bien que mille miroirs il puisse y avoir.
Extraits de Divani Nurbakhsh, Ed. Khaniqahi Nimatullahi